A Gaza, le 2 novembre dernier, les caméras de plusieurs agences de presse, dont l’AFP, sont la cible de plusieurs explosions. Coup de chance, la caméra de l'AFP n’est pas endommagée, et elle enregistre tout.
Le Monde, en collaboration avec Forbidden Stories et plusieurs médias étrangers, a analysé en détail les images enregistrées par les deux agences de presse et des images satellites de Gaza. Ces preuves, croisées à l’analyse de plusieurs experts en armement et en analyses sonores, révèlent que ces explosions sont le résultat de tirs d’obus, vraisemblablement réalisés par des chars de l’armée israélienne.
L’ultra-libéralisme produit une dépolitisation en masse. La philosophe Caëla Gillespie fait paraître aux éditions du Bord de l’eau Manufacture de l’homme apolitique, un ouvrage dans lequel elle décortique les ressorts de l’impuissance collective, et tout le vocabulaire qui y conduit, pour mieux retrouver des chemins de l’action.
La cérémonie d’ouverture a permis un gigantesque refoulement des émotions qui agitaient, depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, la conscience du pays. Refoulement de l’agacement provoqué par la perspective de ces mêmes JO, qui annonçait des dépenses colossales et des ennuis sans fin pour les habitant·es d’Île-de-France ; refoulement de l’angoisse et de la colère suscitées par la situation politique post-Européennes ; refoulement de la connaissance que nous avons tous·tes, au moins en germe, des conséquences négatives des Jeux sur le plan écologique, sur celui de la gentrification de certaines zones périphériques de Paris, ou encore pour les travailleurs sans lesquels les Jeux n’auraient pas pu avoir lieu, en particulier les travailleurs sans-papiers exploités sans vergogne depuis des mois dans le BTP.
Partout autour de moi, ça râlait, à raison, à l’idée de ces Jeux. Et puis la cérémonie d’ouverture a lieu et subitement tout le monde est content. Certain·es, même, sont fièr·es, fièr·es d’être français·es.
Comment se fait-il que même des ami·es gauchistes, écolos, queers, se laissent prendre au piège ? Que s’est-il passé dans ce formidable spectacle du 26 juillet, pour que tous·tes soient au moins un peu séduit·es, et finissent par regarder d’un œil indulgent les épreuves sportives consciencieusement chroniquées les jours qui suivirent ? Telle qu’on me la raconte, cette cérémonie semble avoir consisté en une ambitieuse fantasmagorie, qui se révèle en effet très efficace. Chez Walter Benjamin, la fantasmagorie désigne la production par une société d’une certaine représentation d’elle-même qui tend à oblitérer ce qu’elle est vraiment, notamment une entité productrice de marchandises. La cérémonie d’ouverture des JO est une fantasmagorie historique : elle contribue à construire un récit national qui fait de la France non pas un pays parmi d’autres, reconduisant parmi d’autres une kyrielle de dominations (économiques, politiques, sociales, culturelles), mais une contrée révolutionnaire et progressiste, amie des arts, des lettres et des sciences, défenseure de la liberté, de l’égalité et de la fraternité entre tous.
Pour Benjamin, la fantasmagorie historique se caractérise par le fait qu’elle fige les événements historiques en un passé révolu, plutôt qu’elle ne les fait appartenir à la mémoire des opprimés. Elle procède notamment en instaurant une forme de confusion historique, dans un récit qui mêle les époques et romantise les faits.
Il a osé le dire : «Nous qui avons vécu pendant plus de deux semaines dans un pays où on avait le sentiment que quelque chose avait changé […] on n’a pas envie que la vie reprenne ses droits. Parce qu’au fond la vie c’est ce qu’on a vécu ces dernières semaines. C’est ça la vraie vie […] et donc ça doit continuer. C’est ça le vrai visage de la France».
Les zones industrielles israéliennes se dressent un peu partout en Cisjordanie occupée. Les communautés palestiniennes étouffent sous la pollution et la colonisation de leurs terres.
«En plein JO et alors que le pays n’a plus de gouvernement, le président a décidé de partir en vacances» explique l’hebdomadaire people Voici, dans son édition du 2 au 8 août 2024. Le numéro dévoile de fausses images «spontanées» de Macron qui s’amuse à la mer, au fort de Brégançon, la villa de vacances des présidents français.
Les photos frôlent le grotesque : on y voit Macron jouer sur un bateau avec des hommes musclés et tatoués qui semblent être ses gardes du corps. Rappelons que Voici appartient au milliardaire d’extrême droite Bolloré, et que ce «reportage» est évidemment une mise en scène à la gloire du président, montré comme “humain”, “souriant”, jouant virilement dans l’eau avec ses copains. C’est contre-productif : dans la période de crise sociale et politique, il a de quoi faire grincer des dents.
Mais un autre détail retient l’attention. Sur la photo publiée en couverture, on voit Macron sauter dans l’eau à côté d’un agent de sécurité qui porte un curieux tatouage sur le bras : une tête de mort.
Il s’agit en fait du logo du Punisher, un personnage de policier violent, utilisé comme emblème par l’extrême droite. The Punisher est un anti-héros tiré de l’univers Marvel, et créé par le scénariste Gerry Conway en 1974. Dans cette fiction, il s’agit d’un ancien soldat du corps des Marines devenu policier, dont la famille a été assassinée. Le flic décide de basculer dans l’ultra-violence et la vengeance.
Alors que le collectif "Saccage 2024" avait convié la presse pour une "visite guidée" censée montrer l’impact négatif des Jeux olympiques autour du Stade de France à Saint-Denis, une quinzaine de personnes ont été verbalisées par la police. Trois militants ont même été emmenés au commissariat.
La visite commence à peine, qu’un cortège de policiers bloque déjà le chemin. Ce vendredi matin, le collectif anti-JO "Saccage 2024" avait donné rendez-vous à la presse à partir de 10h à la sortie du métro Porte de Paris à Saint-Denis, où passent de nombreux spectateurs des Jeux pour se rendre au Stade de France.
Le collectif souhaitait organiser un nouveau "toxic tour", le long du canal Saint-Denis. "C’est une visite guidée des chantiers et maintenant des sites olympiques pour montrer physiquement l’impact des JO. Tout ce qui a été déplacé et détruit en amont", résume Noah, l’un des militants. "On voulait juste faire une balade, pour montrer les lieux", ajoute-t-il.
Incroyable : mardi dernier sur France 2, le Président a réalisé l’exploit de donner une interview LUNAIRE sans aucune combinaison spatiale ni bouteille d’oxygène !
Nous on s’attendait à ce qu’il nomme Lucie Castets première ministre, qu’il annonce sa démission en direct, ou au moins, qu’il suspende la loi immigration, mais pas du tout : lui tout ce qu’il avait en tête c’était l’image de Céline Dion chantant la Marseillaise a capella sur la scène lors de la Cérémonie d’ouverture de ses JO. ...
En proposant Lucie Castets comme Première ministre, le Nouveau Front populaire concentre désormais sa communication sur la défense des services publics. Un thème qui pourrait rassembler à gauche comme à droite.
Fini de se déchirer. Après deux semaines de négociations et d’incessantes disputes autour du choix d’un Premier ministre, le Nouveau Font populaire semble avoir adopté une nouvelle stratégie plus heureuse : la défense des services publics. En sélectionnant Lucie Castets comme candidate à Matignon — une haute fonctionnaire, par ailleurs cofondatrice du collectif Nos services publics — la gauche unie a finalement choisi un axe (potentiellement) consensuel.
« C’est très malin. Dans un contexte politique où le Nouveau Front populaire n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le thème des services publics peut vraiment être fédérateur », estime la politiste Julie Gervais, coautrice avec Willy Pelletier et Claire Lemercier de l’ouvrage La valeur du service public (La Découverte, 2021).
Une fois la « trêve olympique » passée, de la gauche à la droite, des députés aux élus locaux, « qu’ils s’identifient ou non au Nouveau Front populaire, ils peuvent soutenir la politique de défense des services publics, pense Julie Gervais. Le massacre est allé si loin qu’il y a une forme de prise de conscience généralisée qu’il faut à tout prix l’arrêter. »
Le gouvernement a finalement choisi de ne pas renouveler l’agrément de l’association Anticor. Une décision qu’elle va sans doute contester devant le juge administratif. Mais pourquoi l’association anticorruption a-t-elle perdu ce sésame qui lui permettait d’agir en justice en cas d’inaction du parquet ? Mystère. Où l’on comprend qu’il est urgent de réformer les modalités d’octroi de cet agrément.
Les images de Paris grillagée choquent l’opinion publique. De nombreux médias regrettent ce qu’ils présentent comme un détournement de l’« ordre habituel » de la ville, détournement qu’il faudrait accepter au nom de la fête (stupéfiante inversion logique).
Mais n’est-ce pas le contraire ? Si ces images nous heurtent, n’est-ce pas justement parce qu’elles rendent visible l’« ordre habituel » de la ville sous régime capitaliste ? Elles ne le dévoient pas ; elles le manifestent de manière éclatante et ce retour du refoulé est douloureux, suscitant colère ou déni.
Après avoir travaillé en coulisses pendant des mois, les membres de la coalition d’extrême droite qui soutient le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’apprêtent à confier le contrôle de la Cisjordanie à des autorités civiles proches des colons israéliens, dont certains sont convaincus qu’ils ont un droit divin de terroriser et déloger leurs voisins palestiniens.
La Cisjordanie qui compte 3 millions de Palestiniens vivant au milieu d’un maillage de postes de contrôle, de barrages routiers et de colonies illégales, est occupée par Israël depuis des décennies.
Nul n’ignore que Bezalel Smotrich, colon extrémiste et ministre influent du gouvernement Netanyahou, orchestre l’annexion de facto de la Cisjordanie. Cela permettra l’expansion des avant-postes paramilitaires et des colonies de peuplement exclusivement juives, que même les alliés des États-Unis considèrent comme illégales au regard du droit international.
Alors que la guerre de Gaza fait rage, sur les campus universitaires américains, des fondations israéliennes font pression pour modifier la définition de l’antisémitisme dans la législation américaine.
En novembre dernier, quelques semaines seulement après le début de la guerre à Gaza, Amichai Chikli, 42 ans, impétueux ministre du Likoud au sein du gouvernement israélien, a été invité à la Knesset, le parlement israélien, pour expliquer aux législateurs ce qui pouvait être fait face à la montée des manifestations anti-guerre des jeunes aux États-Unis, en particulier dans les universités d’élite.
« Je l’ai déjà dit et je le répète, je pense que nous devrions, surtout aux États-Unis, passer à l’offensive », a déclaré Chikli.
Depuis, Chikli a mené une campagne ciblée pour contrer les critiques à l’encontre d’Israël. Le Guardian a découvert des preuves montrant comment Israël fait renaître une structure controversée dans le cadre d’une vaste campagne de relations publiques visant les campus universitaires américains afin de redéfinir l’antisémitisme dans la législation américaine.
À trois jours du lancement des JO de Paris 2024, de nouveaux dispositifs de contrôle viennent s'ajouter aux effectifs policiers déployés dans la capitale. Autant d'outils d'exception voués à se pérenniser au service des politiques sécuritaires du pouvoir.
Alors que certains médias se félicitent de l’arrivée d’une grande compétition sportive dans une démocratie libérale, après les coupes du monde de football en Russie puis au Qatar ou des Jeux Olympiques d’hiver en Chine, force est de constater que les Jeux Olympiques de Paris 2024 sont organisés dans un climat particulièrement sécuritaire. Une politique d’ores et déjà visible à trois jours du lancement des Jeux, avec 45 000 policiers et gendarmes mobilisés, accompagnés de militaires, d’agents de sécurité privée et même de 2 500 policiers. étrangers, sans compter les milliers de barrières qui hérissent les rues de la capitale aux abords du périmètre « Silt », la zone à accès contrôlé qui entoure les principaux sites olympiques.
Pour le procureur de la République de Nanterre, « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde » n’est pas assez caractérisé. Ma plainte a été classée sans suite, en deux semaines. Si vous voulez tenir ce genre de propos, allez-y, vous ne risquez rien !
Ça a commencé comme ça, très simplement. Je publie un commentaire sur la page Facebook de ma ville – Clichy-la-Garenne – un autre Clichois m’apostrophe : « Si tu n’es pas content, tu quittes Clichy. » Les Arabes en France n’ont pas droit à la critique. On ne leur laisse que deux choix : obéir aux injonctions, ou dégager. En enquêtant sur cet individu, j’apprends qu’il est connu de toute la ville et qu’il est proche du maire. On me renseigne sur son activité et je décide de laisser un avis Google sur la page de son entreprise afin de dénoncer l’injonction raciste. Les avis des autres internautes et les témoignages des Clichois·es pleuvent alors. Unanimes sur ses pratiques : harcèlement, intimidation, menaces, injures, etc.
Non content de ce premier forfait et en guise de représailles, probablement galvanisé par le score du Rassemblement national, cette même personne m’envoie, le soir des élections européennes, un message privé sur Messenger comprenant une photo de Jordan Bardella heureux du résultat que son parti vient de réaliser et un mot : « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde ».
« Qui va lire un bouquin qui parle de nous ? » me demande Vanessa, employée trentenaire résidant dans l’un des cantons dépeuplés du Grand-Est de la France. Elle est habituée à ce qu’on ne sache pas situer son département sur la carte, à ne pas revendiquer de « racines » régionales particulières, à ne pas faire ni entendre parler de là où elle a grandi, ni à voir, dans les médias ou dans les lieux de pouvoir, de personnes qui ont un parcours ou ne serait-ce qu’un accent similaire au sien. Ce « bouquin qui parle de nous » porte en effet sur les jeunes adultes qui vivent dans ce que l’on a coutume d’appeler dorénavant la « France périphérique».
Ainsi commence l’essai du sociologue et ethnographe Benoit Coquard « Ceux qui restent » (Editions la Découverte) qui porte comme sous titre « Faire sa vie dans les campagnes en déclin »
Le livre sert de support à cet entretien passionnant entre Denis Robert et Benoit Coquard qui éclaire, d’une lumière douce mais précise, les zones d’ombre de cette France des campagnes, cette France des délaissés, des « cassos » et du travail au noir.
On est dans le Grand est où le sociologue a vécu entre 2010 et 2018 pour faire ses recherches sur la France populaire qui a toujours voté à droite, mais qui aujourd’hui s’est déportée en très grand nombre vers l’extrême droite. « Être du coté des gens bien, c’est voter à droite » dit un des protagonistes qui se déclare « 100% Le Pen » et pourrait ajouter « Les gauchistes c’est des branleurs » ou « ceux qui ne travaillent pas ne valent rien » . Entre nostalgie d’un passé révolu, apéro pastis-whisky qui dure, fermeture des bistrots, photo de Bardella sur le frigo, travail au noir et repli sur soi, on trouve aussi de la fierté, de la solidarité et la réminiscence des gilets jaunes. Mais de moins en moins de service public. A travers ceux qui restent et ceux qui partent des périphéries, on comprend mieux comment et pourquoi le Rassemblement national pousse et grimpe d’élection en élection, sans trop d’efforts…