Au cœur d’une lutte devenue majeure pour le mouvement écologiste, le chantier de l’A69, un temps suspendu par la justice, pourrait reprendre prochainement. Pour vous aidez à y voir clair dans les rebondissements judiciaires et manœuvres parlementaires de ces derniers jours, Rapports de Force fait le point. Et éclaire les perspectives de mobilisation.
Ce fut une journée de basses manoeuvres à l’Assemblée nationale. Lundi 2 juin, un texte de loi devait être discuté afin de valider les autorisations environnementales liées au projet d’autoroute entre Castres et Toulouse, l’A69, et ainsi relancer un chantier vivement contesté depuis plus de deux ans. Or, le texte a été rejeté par ceux-là même qui l’avaient proposé, afin d’être renvoyé directement en commission mixte paritaire où il a toutes les chances d’être adopté. Une façon de contourner le débat parlementaire, donc de passer en force, estiment les détracteurs du projet.
Jean-Pierre Filiu a passé un mois à Gaza. Il publie « Un historien à Gaza », un récit qui mêle son témoignage, les voix des habitantes et habitants de Gaza et l’analyse de la guerre menée par Israël dans l’enclave.
Historien spécialiste du Proche-Orient, Jean-Pierre Filiu a passé plus d’un mois dans la bande de Gaza, fermée aux médias étrangers.
Gaza où Israël mène une guerre génocidaire, une « guerre à sens unique », écrit-il, officiellement contre le Hamas, en fait contre l’enclave et sa population, doublée d’un nettoyage ethnique assumé.
« Rien ne me préparait à ce que j’ai vu et vécu à Gaza, écrit-il. Le territoire que j’ai connu et arpenté n’existe plus. Ce qu’il en reste défie les mots. » Il avance le chiffre de « plus de 100 000 morts » depuis le 7 octobre 2023 dans l’enclave palestinienne et considère que l’anéantissement en cours « est bien pire que la Nakba », l’expulsion forcée de centaines de milliers de Palestinien·nes en 1948 au moment de la proclamation de l’État d’Israël.
Ce livre glaçant sonne aussi comme une alerte : la destruction sous nos yeux de Gaza, l’élimination en cours de la Palestine et de ses habitant·es, c’est aussi celle du droit international, la destruction de notre humanité. Le triomphe des artisans de haine, des vautours et des ignobles.
Vos inspirations du passé, nos heures sombres au présent.
Ce mois de mai se termine encore mal Monsieur Retailleau. Des militants d’extrême droite ont fait irruption dans la nuit du 30 mai dans un bar communiste d’Alès, où ils ont agressé une vingtaine de personnes. On ne vous a pas entendu. Le 31 mai, à Puget sur Argens, un homme a tué son voisin tunisien, Hichem Miraoui, et a blessé un homme de nationalité turque. Il filme ses actes, diffuse les vidéos et clame son racisme. C'est tout un arsenal d'armes qui a été retrouvé dans sa voiture. Bien sûr vous n'avez réagi que bien trop tard en prétendant que "le racisme doit sévèrement être puni" : celui des autres, mais pas le vôtre ? Vous avez banalisé les discours xénophobes, racistes et islamophobes. Banalisé la violence envers les personnes musulmanes et racisées. Chaque agression ou meurtre commis depuis votre arrivée au pouvoir porte les empreintes de votre politique. Chaque femme qui se fait arracher son voile, chaque musulman exécuté froidement, chaque personne racisée abattue au nom d'une pseudo "pureté nationale" par un souchien bercé par vos paroles. Vous avez adoubé les suprémacistes nommées Nemesis, vous avez soutenu un État xénophobe et génocidaire, vous avez voté des lois racistes et ségrégationnistes. Et aujourd'hui tout se passe comme prévu.
Au pays de la déclaration des Droits de l’Homme, les effluves racistes continuent de se diffuser sur tout le territoire. D’ouest en est.
La salle de karaté de La Rochefoucauld, bourgade charentaise de 3000 habitants seulement, a ainsi été recouverte d'inscriptions nazies le week-end du 23 et 24 mai. C'est un employé des services techniques de la ville qui a découvert les inscriptions.
Y figurent notamment « SS », « 88 » (pour Heil Hitler, H étant la 8ème lettre de lalphabet), une croix celtique, et «1161» pour "anti antifa ". Etait également tagué, « GUD», pour Groupe union défense, l’organisation emblématique de cogneurs néofasciste et toujours influente malgré sa diollution l’an dernier. Son principal chef de file, Marc de Cacqueray-Valménier, s’est recyclé comme gardien de l'île privée de Vincent Bolloré dans le Finistère.
En Moselle, sur le commune de l'Hôpital, un local servant de lieu de rencontre à la communauté musulmane a été saccagé et recouvert de tags nazis ce même week end des 24-25 mai. Des corans ont été renversés et souillés d'urine, des pneus, bouteilles de gaz et produits inflammables ont été retrouvés sur place. Une croix gammée a été taguée sur la façade.
A Lorient, début mars, des individus avaient été aperçus efcetuant de nuit des saluts nazis, et des tags à la gloire du Troisième Reich avaient été retrouvés près de l'Université, comme l'avait relaté Blast.
Après la diagonale du vide, voici venir la diagonale raciste.
Créé en mai 2024, Hexagone – La France en chiffres propose « une synthèse détaillée sur une grande question de société chaque mois ». Son fondateur et pilote, François Pierrard, 3 ans et demi chez McKinsey de janvier 2017 à juin 2020, explique que l’organisme s’appuie à la fois « sur les données publiques de référence sur le sujet, et sur un sondage exclusif commandé pour l’occasion ».
Début mai, le sondage réalisé par Hexagone via l’IFOP a fait beaucoup réagir. Il testait l’opinion quant à la candidature de Jordan Bardella comme représentant du Rassemblement National à la Présidentielle de 2027, celui-ci apparaissant en position de gagner contre Édouard Philippe au second tour – vainqueur dans toutes les autres hypothèses. Un sondage réalisé un peu plus d’un mois après la condamnation de Marine Le Pen par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de 5 ans d’inéligibilité, notamment (avec application immédiate, malgré l’appel).
Parmi les sujets explorés par Hexagone depuis son lancement, on trouve le niveau scolaire des élèves français ou les violences à l’école, les zones à faibles émissions ou le nucléaire français et son impact sur les territoires.
Autant de thématiques éclairées moyennant « des statistiques sur la société française, factuelles et sourcées ». Ce qui est l’ambition, voire la raison d’être, de tous les instituts de sondage. Alors, pourquoi cette précision ?
Jeudi 15 mai, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à relancer les travaux de l’autoroute A69, suspendus par la justice. Le vote de plusieurs sénateurs socialistes en faveur de ce texte inquiète et divise la gauche.
« C’est un affront à la représentation parlementaire ! » Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne, ne décolère pas. Jeudi 15 mai, le Sénat a largement adopté une proposition de loi pour reprendre les travaux de l’A69 et ainsi contourner la décision de justice du tribunal administratif de Toulouse. Et ce, avec les votes de treize sénateurs socialistes, tandis que le reste du groupe s’abstenait, et qu’un seul votait contre.
En février dernier, la justice avait annulé le projet autoroutier, estimant qu’il ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur dans le dossier. L’État a fait appel de cette décision et plusieurs parlementaires du Tarn, dont le sénateur Philippe Folliot et le député Jean Terlier, avaient décidé dans la foulée de surenchérir en proposant un texte au Parlement pour inscrire l’intérêt public de l’A69 directement dans la loi et ainsi contourner la décision du tribunal.
Examinée le 26 mai par les députés, la loi Duplomb constitue un concentré de régressions environnementales, inspirées par l'agro-business. Le gouvernement compte sur les voix du RN pour éviter le débat.
Le rapporteur Les Républicains (LR) Julien Dive a déposé, le 26 mai, une motion de rejet préalable de la proposition de loi Duplomb, qui a été largement adoptée en séance publique (274 voix pour, 121 contre - le détail des votes ici), en vue de contourner les amendements écologistes et insoumis. Cosignée par les présidents des quatre principaux groupes du bloc central, Laurent Wauquiez (LR), Marc Fesneau (Modem), Gabriel Attal (Ensemble), et Paul Christophe (Horizons), la motion a reçu le soutien des députés Rassemblement national (RN), qui ont permis de dégager une majorité. Elle a été dénoncée par la gauche, y compris le Parti socialiste.
Le texte est considéré comme rejeté par l’Assemblée nationale sans examen dans l’hémicycle. Il fera désormais l’objet d’une commission mixte paritaire (CMP), qui pourrait se réunir la semaine du 10 juin. Les sept députés et sénateurs négocieront un compromis à partir de la version du texte adoptée au Sénat en janvier dernier. La version de la proposition de loi issue de la CMP sera ensuite soumise au vote du Parlement, sans possibilité pour les élus de déposer de nouveaux amendements, sauf accord du gouvernement.
💥 Et si l’accumulation capitaliste, analysée par Bataille, expliquait le « grand filtre » du paradoxe de Fermi ?
Entre autodestruction systémique et chaos géopolitique, la critique rejoint celle d’Alain Joxe sur l’Empire du chaos : la logique du surplus mène à la violence globale, pas à la durabilité.
Cher Jean Quatremer,
Quelle semaine !
Mardi 20 mai, vous relayiez sur votre compte X un « article » sobrement titré « Nakba : la plus grande mystification arabe du XXe siècle », autrement dit une publication qualifiant d’imposture ce qui fait pourtant, depuis plusieurs dizaines d’années, largement consensus parmi les historiens sérieux, y compris en Israël (1), à savoir que le peuple palestinien a subi en 1947-1949 un processus d’expulsion de masse aujourd’hui connu sous le nom de « Nakba » (« Catastrophe »), félicitations à vous. Il faut dire que la fiabilité et la rigueur de l’auteur de ladite publication ne font guère de doute, lui qui, la semaine dernière, expliquait « [qu’]il faut annexer chaque parcelle [de Cisjordanie] qui a été foulée par un terroriste », s’amusait d’un ordre d’évacuation de l’armée israélienne à Gaza en le commentant d’un « Courez, ça vaut mieux », et se réjouissait de livraisons militaires étatsuniennes en Israël en affirmant que « ça fait du bien de faire le plein, on va en avoir besoin », une bien belle personne en somme.
En mars dernier, les images de la secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis, posant devant des prisonniers vénézuéliens déportés vers un centre pénitentiaire du Salvador, sont devenues virales. Look glamour. Maquillage prononcé. Longue chevelure ondulée. Rolex, pantalon slim et tee-shirt moulant. L’image de ce corps parfait exposé devant des hommes non-blancs, torse nu, mis en cage, est apparue comme le symbole du modèle de féminité qui domine les politiques néoréactionnaires.
France Travail déploie actuellement des robots visant à automatiser et massifier le contrôle des personnes inscrites à France Travail. Depuis le 1 janvier 2025, cela inclut également les personnes au RSA. Il s’agit d’une nouvelle étape du dangereux projet de gestion algorithmique des personnes sans-emplois, porté par le directeur général de France Travail, Thibaut Guilluy. Retour sur le contexte de cette mise en place et ses implications sociales.
Des inspecteurs généraux - chargés de l'enquête menée en 2023 sur le collège parisien Stanislas, un établissement catholique privé sous contrat - ont pointé ce mercredi 21 mai le rôle de Caroline Pascal, l'ex-cheffe de l'Inspection générale et actuelle numéro deux du ministère de l'Education nationale, devant la commission d'enquête sur "le contrôle par l’Etat des violences dans les établissements scolaires". En cause : l'ajout d'un paragraphe à la lettre de conclusion de la mission.
“Cet argent on ne l’a pas” : voilà ce qu’a osé dire Emmanuel Macron sur un plateau télé, au sujet du financement des retraites. En face de lui, une gauche qui, malgré ses bonnes intentions, continue de répondre par des solutions fiscales timides — taxer les superprofits, taxer les ultra-riches, taxer les dividendes — en oubliant que le cœur du problème, ce n’est pas un manque d’idées, mais un abandon progressif de la rupture. Derrière les slogans sur les “riches qui doivent payer”, il n’y a plus de stratégie de conquête, mais une gestion du possible. À première vue, taxer davantage les riches semble être une idée essentielle, de bon sens ou même révolutionnaire, tant, ces dernières décennies, tout a été fait pour qu’ils payent le moins possible. Mais cela ne peut pas suffire, et un projet de transformation sociale ne peut pas se limiter à cela. Ce n’est pas une poignée de taxes sur les fortunes obscènes qui renversera l’ordre établi.
Pour ce nouvel épisode de "Minuit dans le siècle", j'ai invité l'historienne Ludivine Bantigny. Avec elle, nous abordons l'histoire longue de l'extrême droite française, en revenant sur plusieurs épisodes incontournables de sa trajectoire. Tout d'abord ses origines dans la Réaction à la Révolution française, qui se manifeste en particulier en 1815 au moment de la Restauration. Puis les transformations de cette extrême droite à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, du moment boulangiste à l'affaire Dreyfus, avec le rôle central que joue alors l'antisémitisme. On discute également des années 1930, en particulier sous l'angle de la controverse entre historien-nes sur la prétendue "allergie française au fascisme". Un nouveau saut dans le temps nous amène jusqu'aux années 1980 et à la résurrection de l'extrême droite avec les premières poussées électorales du Front national. Enfin, on discute de la conjoncture politique présente, marquée par l'alliance de plus en plus ouverte entre une droite extrémisée et le FN/RN.
En marge de l’inauguration de la cité scolaire Robert-Badinter à Blois, un élève a prononcé le mot « génocide » pour évoquer les massacres à Gaza lors d’un cours en classe, en présence d’Élisabeth Badinter. Un terme qui a choqué l’épouse de l’ancien ministre, jetant un froid dans la salle.
Il y a des silences qui en disent long. Celui qui a glacé la salle de classe du lycée Robert-Badinter à Blois, ce mardi 13 mai 2025, en fait partie. Un élève, dans le cadre d’un cours d’anglais, reprend une phrase célèbre d’Elie Wiesel. « Il ne doit jamais y avoir un moment où l’on ne proteste pas », dit-il. Et lui, proteste, en anglais. Dans un exercice de débat, il évoque Gaza en y associant le mot génocide. C’est là que tout explose. Ou plutôt, tout se fige.