Nouvel épisode de l’émission “Les Indiscrets” de Nils Wilcke, une plongée dans les coulisses de la politique française telle qu’on la raconte peu, c’est-à-dire sans fards ni éléments de langage.
Au sommaire :
A peine nommé, le Premier ministre Michel Barnier ne tient plus du tout sa classe… C’est le chaos au sein et en dehors du Conseil des ministres. Pourquoi ne parvient-il pas à imposer à ses ministres ses consignes de modestie, contre la culture de l’esbroufe et de la communication tous azimuts ? Comment expliquer qu’il ait déjà été obligé de procéder à trois recadrages en quelques jours ? Et si Gabriel Attal ou un autre, faisait souffler un vent d’insubordination dans le nouvel attelage gouvernemental ?
Dernières nouvelles de la Macronie entre les malheurs de Prisca Thévenot face à la montée en puissance de Maud Bregeon, la rébellion anti-RN surjouée d’Antoine Armand et de Agnès Pannier-Runacher…
Qui est vraiment Bruno Retailleau, dont la présence place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, inspire à Nils cette expression, tirée d’un vieux film français : “Peur sur la ville”.
Et dernier sujet : que se passe-t-il donc entre Macron et son opposante de choix, Marine Le Pen ? Complicité ou jeu de dupes ?
«Le peuple a, par sa faute, perdu la confiance du gouvernement… Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre?» Bertolt Brecht, La Solution,1953
Les vers ironiques de Brecht viennent d’être mis réellement en pratique par Emmanuel Macron. Son parti est passé de 2017 à 2024 de 314 à 99 député·e·s à l’Assemblée nationale. Il a été battu lors des élections européennes et des législatives de juin/juillet 2024. Lors de ces mêmes élections législatives, au second tour, un front électoral contre le Rassemblement national (RN) a été réalisé par tous les partis, sauf le petit parti de droite des Républicains (LR). Le barrage a fonctionné, déjouant tous les pronostics, le RN ne réussissant même pas à obtenir une majorité relative. La formation arrivée en tête après ce second tour a été clairement le Nouveau front populaire (NFP), suivi du «bloc du centre» et du RN.
Malgré ces résultats, on arrive, début septembre, à la formation d’un gouvernement dirigé par un vieux politicien des Républicains, Michel Barnier, qui va recycler bon nombre de responsables de la «majorité présidentielle», pour continuer la même politique et qui ne pourra survivre que par l’engagement du Rassemblement national de ne pas le faire tomber par une motion de censure.
Nous avons largement mis à jour, augmenté et aussi corrigé notre chronologie du Front National / Rassemblement national : en plus des 5 années qui manquaient à la dernière version datant de 2019, nous avons ajouté, dans la version PDF téléchargeable, des liens vers des articles ou des vidéos de l’INA à chaque texte ou image de la chronologie.
C’est l’heure des grandes vacances. On se cherche des spectacles. S’il y a des endroits où aller pour s’amuser entre camarades de lutte, il y a aussi des endroits à boycotter fermement. En voici un à combattre, que vous soyez Belge, Suisse, Parisien, Dijonnais, Brestois, ou autre : la Chapelle-d’Angillon. En effet, au nombre des plus belles histoires de l’Oncle Adolf, il convient aujourd’hui d’ajouter les Médiévales subventionnées de la Chapelle-d’Angillon sur lesquelles se sont penché les fées bienveillantes de Pétain, de la Waffen SS, de l’OAS, de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, d’Ordre Nouveau, du PFN, et, naturellement, de l’inénarrable DRAC Centre-Val-de-Loire.
Les macronistes ont organisé le barrage bourgeois en faisant une coalition avec le RN. Cela a abouti à la nomination de Michel Barnier.
Emmanuel Macron voulait une cohabitation avec le RN pour l’affaiblir en vue de 2027. C’était sans compter l’arrivée en tête du NFP qu’aucun politicien de droite, éditorialiste et sondagier n’avait anticipé. Après avoir réussi à se maintenir deuxième force politique en nombre de députés grâce au barrage anti-RN, les macronistes devaient donc organiser le barrage bourgeois, anti-gauche, en faisant une coalition avec le RN. Cela a pris près de deux mois et a abouti à la nomination de Michel Barnier ce jeudi 5 septembre. Qui est ce sinistre personnage et qu’est-ce que cette nomination nous dit de la période ?
Les élections ne servent plus à rien : c’est ce qu’on appelle une dictature
« Une dictature, c’est un régime ou une personne ou un clan décident des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais.” Cette phrase est de Macron lui-même. Nous y sommes. Macron est un Trump qui a réussi : malgré une défaite électorale cuisante et claire, ce dernier est parvenu à rejeter les trois messages de cette élection, c’est-à-dire le barrage anti-RN, l’arrivée en tête de la gauche et le désir d’une cohabitation. Il y est parvenu en faisant alliance avec le RN pour barrer la gauche et nommer un premier ministre qui assure la continuité de sa politique et de son contrôle.
Même quand on gagne, on perd : le résultat d'un système politico-médiatique qui fait barrage à toute mesure sociale. Le cordon bourgeois.
En juin dernier, les Belges ont élu leurs députés. Dans un pays divisé entre Flamands et Wallons, une diversité de partis représentants à la fois des intérêts régionaux et des idéaux politiques sont présents au Parlement, de telle sorte que la composition d’une coalition gouvernementale peut prendre du temps. C’est pourquoi le roi désigne un formateur de gouvernement, généralement le leader du parti arrivé en tête (qui n’est jamais majoritaire vu le mode de scrutin proportionnel). Celui-ci doit tenter de former une coalition qui tienne la route et, s’il n’y parvient pas, il passe la main au suivant, le plus souvent la seconde force politique représentée, jusqu’à ce qu’un gouvernement soit formé.
C’est ainsi que les choses se passent dans la plupart des pays d’Europe (Grèce, Allemagne, Espagne…). La vie politique belge a toutefois une originalité : un système de cordon sanitaire engage les partis à ne jamais composer de gouvernement avec l’extrême-droite. Montée au début des années 1990, cette pratique repose sur un constat simple : les partis d’extrême-droite ont des idées communes avec l’envahisseur nazi, ce qui justifie leur mise au ban. Cette mise au ban se fait aussi sur le plan médiatique : on n'invite pas ou peu les politiciens d’extrême-droite et on les traite différemment. Par conséquent, l’extrême-droite progresse en Belgique mais plus lentement, en particulier en Wallonie, que dans le reste de l’Europe.
Revenons en France : le cordon sanitaire à l’extrême-droite n’existe pas, bien au contraire. Le président de la République a décidé la tenue d’élections législatives au moment où l’extrême-droite était au plus haut. La plupart des médias ont aussitôt décrit sa victoire comme inéluctable, à grand renfort de sondages qui se sont tous révélés complètement mensongers. Au terme d’une campagne électorale où a eu lieu une alliance inédite de la gauche d’une part et une mobilisation citoyenne d’une grande ampleur d’autre part, les élections ont placé l’Assemblée nationale dans une situation comparable à la plupart des parlements d’Europe : aucun groupe ou alliance n’a de majorité absolue mais un groupe est bel et bien en tête, le Nouveau Front Populaire donc. Tout le monde s’était trompé, à commencer par le Président qui voulait le RN au pouvoir mais également tous les instituts de sondages et tous les éditorialistes.
Mais depuis… rien ne se passe comme dans les autres régimes politiques européens. D’abord, l’ensemble des grands médias et la classe politique dominante ont battu en brèche l’idée selon laquelle ça serait au groupe arrivé en tête de tenter de former un gouvernement. Ensuite, le Président n’a nommé personne, arguant de la prééminence des Jeux olympiques. Puis, il a commencé une série de rencontres de type “entretien d’embauche” pour trouver le bon candidat, au mépris complet du résultat des élections.
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Les choses sont désormais très claires : le système politique français et sa classe dominante ont conçu un système d’apparence démocratique où il est uniquement possible de choisir entre les options qui ont sa préférence. Actuellement : la droite antisociale et colonialiste ou bien l’extrême-droite antisociale et raciste. Toute autre option qui remettrait en cause les conditions de la prospérité des possédants – régime fiscal préférentiel et détournement d’argent public, dans le cas actuel – doit être rayée du menu. C’est le cordon bourgeois : un système politique et médiatique tacite, instinctivement partagé par les membres et sous-membres de la classe dominante, qui vise à empêcher l’accession au pouvoir de toute option contraire à leurs intérêts, même lorsque cette option est modérée.
«En plein JO et alors que le pays n’a plus de gouvernement, le président a décidé de partir en vacances» explique l’hebdomadaire people Voici, dans son édition du 2 au 8 août 2024. Le numéro dévoile de fausses images «spontanées» de Macron qui s’amuse à la mer, au fort de Brégançon, la villa de vacances des présidents français.
Les photos frôlent le grotesque : on y voit Macron jouer sur un bateau avec des hommes musclés et tatoués qui semblent être ses gardes du corps. Rappelons que Voici appartient au milliardaire d’extrême droite Bolloré, et que ce «reportage» est évidemment une mise en scène à la gloire du président, montré comme “humain”, “souriant”, jouant virilement dans l’eau avec ses copains. C’est contre-productif : dans la période de crise sociale et politique, il a de quoi faire grincer des dents.
Mais un autre détail retient l’attention. Sur la photo publiée en couverture, on voit Macron sauter dans l’eau à côté d’un agent de sécurité qui porte un curieux tatouage sur le bras : une tête de mort.
Il s’agit en fait du logo du Punisher, un personnage de policier violent, utilisé comme emblème par l’extrême droite. The Punisher est un anti-héros tiré de l’univers Marvel, et créé par le scénariste Gerry Conway en 1974. Dans cette fiction, il s’agit d’un ancien soldat du corps des Marines devenu policier, dont la famille a été assassinée. Le flic décide de basculer dans l’ultra-violence et la vengeance.
Pour le procureur de la République de Nanterre, « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde » n’est pas assez caractérisé. Ma plainte a été classée sans suite, en deux semaines. Si vous voulez tenir ce genre de propos, allez-y, vous ne risquez rien !
Ça a commencé comme ça, très simplement. Je publie un commentaire sur la page Facebook de ma ville – Clichy-la-Garenne – un autre Clichois m’apostrophe : « Si tu n’es pas content, tu quittes Clichy. » Les Arabes en France n’ont pas droit à la critique. On ne leur laisse que deux choix : obéir aux injonctions, ou dégager. En enquêtant sur cet individu, j’apprends qu’il est connu de toute la ville et qu’il est proche du maire. On me renseigne sur son activité et je décide de laisser un avis Google sur la page de son entreprise afin de dénoncer l’injonction raciste. Les avis des autres internautes et les témoignages des Clichois·es pleuvent alors. Unanimes sur ses pratiques : harcèlement, intimidation, menaces, injures, etc.
Non content de ce premier forfait et en guise de représailles, probablement galvanisé par le score du Rassemblement national, cette même personne m’envoie, le soir des élections européennes, un message privé sur Messenger comprenant une photo de Jordan Bardella heureux du résultat que son parti vient de réaliser et un mot : « pourriture d’arabe dégage au bled sale merde ».
« Qui va lire un bouquin qui parle de nous ? » me demande Vanessa, employée trentenaire résidant dans l’un des cantons dépeuplés du Grand-Est de la France. Elle est habituée à ce qu’on ne sache pas situer son département sur la carte, à ne pas revendiquer de « racines » régionales particulières, à ne pas faire ni entendre parler de là où elle a grandi, ni à voir, dans les médias ou dans les lieux de pouvoir, de personnes qui ont un parcours ou ne serait-ce qu’un accent similaire au sien. Ce « bouquin qui parle de nous » porte en effet sur les jeunes adultes qui vivent dans ce que l’on a coutume d’appeler dorénavant la « France périphérique».
Ainsi commence l’essai du sociologue et ethnographe Benoit Coquard « Ceux qui restent » (Editions la Découverte) qui porte comme sous titre « Faire sa vie dans les campagnes en déclin »
Le livre sert de support à cet entretien passionnant entre Denis Robert et Benoit Coquard qui éclaire, d’une lumière douce mais précise, les zones d’ombre de cette France des campagnes, cette France des délaissés, des « cassos » et du travail au noir.
On est dans le Grand est où le sociologue a vécu entre 2010 et 2018 pour faire ses recherches sur la France populaire qui a toujours voté à droite, mais qui aujourd’hui s’est déportée en très grand nombre vers l’extrême droite. « Être du coté des gens bien, c’est voter à droite » dit un des protagonistes qui se déclare « 100% Le Pen » et pourrait ajouter « Les gauchistes c’est des branleurs » ou « ceux qui ne travaillent pas ne valent rien » . Entre nostalgie d’un passé révolu, apéro pastis-whisky qui dure, fermeture des bistrots, photo de Bardella sur le frigo, travail au noir et repli sur soi, on trouve aussi de la fierté, de la solidarité et la réminiscence des gilets jaunes. Mais de moins en moins de service public. A travers ceux qui restent et ceux qui partent des périphéries, on comprend mieux comment et pourquoi le Rassemblement national pousse et grimpe d’élection en élection, sans trop d’efforts…
Rédigé à la manière d’un business plan de start-up, le document élaboré par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin et ses proches au sein de Périclès décrit, étape par étape, l’installation à tous les échelons du pouvoir d’une alliance entre l’extrême droite et la droite libérale-conservatrice. L’Humanité en dévoile de larges extraits qui, dans les circonstances politiques actuelles, sont plus que jamais d’intérêt public.
La poussée de l’extrême-droite qui a marqué les élections au Parlement européen dans plusieurs pays de l’Union, le 9 juin, a pris en France une tournure imprévue. Sans s’embarrasser des consultations que prévoit la Constitution, Emmanuel Macron a dissous le soir même l’Assemblée nationale en prenant acte de la victoire du Rassemblement national – et ce, bien que les deux institutions parlementaires n’aient aucun lien entre elles et que le désaveu de la majorité en place lors du scrutin européen soit presque un classique de la Ve République.
L’effet de sidération sur le pays a été total. Fidèle à sa carrière, Emmanuel Macron s’est toujours voulu « disruptif ». En l’occurrence il a prétendu « clarifier » la situation et « apaiser » la nation. Mais le cours inopiné des événements a prouvé qu’il a perdu la main depuis sa réélection ratée de 2022. Certes le Rassemblement national, après avoir confirmé sa progression lors du premier tour, le 30 juin, s’est trouvé relégué en troisième position à l’issue du second, le 7 juillet. Symboliquement il est le grand perdant de la consultation, même s’il a confirmé sa place de premier parti politique de France. Au fil de la campagne du second tour l’électorat a compris qu’il n’était pas devenu aussi présentable qu’il le prétendait et qu’il n’était pas (encore ?) capable de gouverner. Il est aussi possible que la concomitance des élections britanniques ait mis en valeur le désastre que fut le Brexit et incité les électeurs français à la prudence en matière d’irresponsabilité populiste.
« Plutôt Hitler que le Front populaire. »
Il semble bien que les campagnes médiatiques contre les candidats de gauche soient devenues de simples routines journalistiques. On se souvient du « cauchemar » Benoît Hamon lors de la « primaires citoyenne » en 2017, de la panique Sandrine Rousseau avant l’élection présidentielle de 2022, ou de la haine anti-Nupes au moment des législatives de 2022. À quelques jours du second tour des élections législatives de 2022, le rédacteur en chef du Figaro Guillaume Tabard résumait ainsi la campagne médiatique contre la Nupes : « D’un point de vue tactique, Macron doit susciter un front anti-Mélenchon, c’est-à-dire convaincre les électeurs de droite, de la gauche modérée et même lepénistes, de faire barrage à la gauche radicale. » Ce mot d’ordre avait eu du succès dans les médias... mais il n’était pas inédit : Jean-Luc Mélenchon est incontestablement et de longue date l’ennemi médiatique numéro un...
Les mots en politique ont-ils perdu tout lien avec le réel ? La très courte et intense campagne législative en cours pose légitimement la question, tant les outrances semblent y avoir atteint un degré inédit, déformant profondément le débat public. La France insoumise (LFI), parti de gauche réformiste classique, fut quasi-systématiquement présentée ces dernières semaines comme « l’extrême gauche », non seulement par ses adversaires politiques mais aussi par une grande partie des médias.
Dans un retournement sémantique orwellien, au moment même où l’extrême droite menace d’accéder au pouvoir en France, c’est LFI, et tout le Nouveau Front populaire avec elle, qui est présenté comme sortant de « l’arc républicain » et qualifié de « plus grand parti antisémite de France », au détriment de toute rationalité. Plusieurs prises de position critiquables de responsables LFI sont mises en avant pour justifier l’anathème général, dans une démesure qui occulte un programme commun pourtant engagé clairement sur le sujet et un fondement idéologique dénué de tout antisémitisme.
Face à la défaite de son camp aux élections européennes, Emmanuel Macron expliquait devant un parterre de journalistes le 12 juin qu'il assumait « engager un mouvement de clarification » en ayant dissous l'Assemblée nationale, convoquant des législatives éclaires trois semaines plus tard.
Trois semaines d'aboiements médiatiques s'en sont suivi, tentant de disqualifier le seul bloc qui pourrait faire face à la vague d'extrême droite : le Nouveau Front populaire. Inlassablement, les mêmes éléments de langage en boucle sur les plateaux : « extrême gauche », « antisémite », « une union qui ne vaut pas mieux que l'extrême droite », « cordon sanitaire autour de LFI », ou encore "ennemi politique". Toutes les stratégies de communication sont bonnes pour tenter de sauver ce qui peut l'être, dans la rhétorique du « moi ou le chaos ».
Ce président, qui se présentait 7 ans plus tôt comme le rempart à l'extrême droite a finalement précipité son accession au pouvoir, en 9’57 minutes chrono.
Le saviez-vous, « bleu, blanc, rouge, la France aux français » n’est pas un slogan du Front National. En tous cas, pas un slogan officiel, parce qu’il n’est pas rare de l’entendre dans la sphère nationaliste. Mais alors si il n’est pas l’apanage du principal parti d’extrême droite français, d’où vient-il ?
On tire le fil ensemble pour découvrir ça.