On aurait préféré que ce soit un poisson d’avril : dans une décision rendue ce 1er avril 2025, le Conseil d’État a validé le principe de la censure arbitraire et opaque d’un réseau social. Derrière l’apparente annulation de la décision du Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, de bloquer Tiktok, la plus haute juridiction française offre en réalité le mode d’emploi de la « bonne censure ». Cette décision est inquiétante, tant cette affaire aura montré l’inefficacité du Conseil d’État à être un rempart efficace contre le fascisme montant.
Il devrait commencer à être assez clair, quand des milices défilent dans Paris au cri de « Paris est nazi », et poignardent des militants de gauche, que ce vers quoi nous nous dirigeons mérite d'être appelé « fascisme ». C'est clair, et en même temps pas encore si clair. Tant qu'un concept n'en aura pas été proposé, le fascisme restera une évocation historique intransposable.
Dans cette interview, réalisée pour le podcast Los monstruos andan sueltos, Verónica Gago analyse la portée de ce qu’elle définit comme « restauration patriarcale » et fait référence au processus de masculinisation de la politique : « Des composants politiques alliés continuent à mettre la progression de l’extrême-droite sur le dos des féminismes ».
Alors que l’état d’exception, c’est-à-dire « l’exception au principe de l’État de droit », semble s’imposer comme la réponse « technique » à tous les défis (terrorisme, pandémies, crises de la démocratie représentative,…), Eugénie Mérieau en propose une analyse historique, juridique et géopolitique.
Elle explique tout d’abord que l’état d’exception a pour effet juridique « objectif » de concentrer le pouvoir aux mains de l’exécutif, et comme effet juridique « subjectif » de suspendre les droits et les libertés individuels garantis. S’il a pour « ancêtres antiques et médiévaux » la dictature romaine et les différentes conceptions de l’État de nécessité, il appartient avant tout à la tradition libérale de l’État de droit et naît avec les Lumières. Son ancêtre direct est la loi martiale, d’invention britannique, qui consiste en un triple-transfert, en temps de paix, du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire des autorités civiles vers les autorités militaires. Tout comme la dictature romaine s’exerçait en état d’urgence à l’intérieur des frontières de la ville où aucune formation militaire ne pouvait pénétrer armée en temps ordinaire, et en permanence aux frontières de l’empire, la pensée libérale établit une distinction et une coexistence entre différents ordres juridiques, en fonction des territoires et des populations concernées.
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« L’état d’urgence n’est pas une aberration ou anomalie dans une histoire linéaire de progrès vers les droits de l’homme et la démocratie… Il est la condition même de cette histoire, de ce « conte de fée » libéral, qui doit rester caché dans la périphérie, comme on cache les canalisations d’évacuation des eaux usées… sans lesquelles pourtant rien ne fonctionne et tout suinte de façon pestilentielle. » Avec cet exposé extrêmement clair et synthétique, Eugénie Mérieau replace l’état d’urgence, « zone d’ombre de la pensée libérale », au centre de la théorie et de la pratique du droit libéral : « L’état d’urgence produit de l’exclusion pour mieux pouvoir clamer l’universalisme de l’État de droit. »
Quand Mediapart a révélé l’affaire libyenne en 2011, personne n’y croyait. Quatorze ans et quelque 160 articles plus tard, certains doutent encore, tant les faits défient le sens commun.
« Si c’était une série, on dirait que le scénario est invraisemblable », plaide déjà Nicolas Sarkozy. Pourtant, après une enquête minutieuse, la justice a renvoyé l’ancien président, trois de ses anciens ministres et neuf autres prévenus devant le tribunal. Le procès, historique, suivi par des médias du monde entier, se tient du 6 janvier au 10 avril 2025.
Vous retrouverez ici les comptes-rendus, écrits et vidéos, vous permettant de suivre au jour le jour le procès avec les journalistes qui ont révélé et chroniqué l’affaire. Ainsi que les repères chronologiques, anecdotes, phrases-cultes, documents clés et biographies des principaux protagonistes de cette histoire : peut-être la plus folle et la plus grave qu’ait connu la Vᵉ République.
"Si nous le considérons assez basiquement comme un ensemble de règles communes régissant la vie en société et auxquelles chacun accepte de se plier pour ne pas nuire à son entourage, le droit, ici comme ailleurs, en France comme partout dans le monde, nous protège individuellement et collectivement et nous aide à vivre ensemble, à condition évidemment qu'il soit le même pour tous et qu'il soit équitablement appliqué."
Nouvel épisode de Quelle époque formidable, par Sébastien Fontenelle.
L’ultra-libéralisme produit une dépolitisation en masse. La philosophe Caëla Gillespie fait paraître aux éditions du Bord de l’eau Manufacture de l’homme apolitique, un ouvrage dans lequel elle décortique les ressorts de l’impuissance collective, et tout le vocabulaire qui y conduit, pour mieux retrouver des chemins de l’action.
Le gouvernement a finalement choisi de ne pas renouveler l’agrément de l’association Anticor. Une décision qu’elle va sans doute contester devant le juge administratif. Mais pourquoi l’association anticorruption a-t-elle perdu ce sésame qui lui permettait d’agir en justice en cas d’inaction du parquet ? Mystère. Où l’on comprend qu’il est urgent de réformer les modalités d’octroi de cet agrément.
Répression des militant·es devant le siège d'Amundi : les ONG déposent plainte à l'ONU et dénoncent une dérive autoritaire qui présage du pire avec l'extrême droite aux portes du pouvoir.
En date du 20 juin 2024, Extinction Rebellion France (XR), BLOOM, Greenpeace France, Action Justice Climat Paris (ex Alternatiba Paris), Scientifiques en Rébellion et Attac France, avec le soutien des Amis de la Terre France, GreenFaith et 350.org, ont saisi Michel Forst, le Rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseur·es de l’environnement, d’une plainte pour dénoncer la répression grave et disproportionnée subie par les militantes et militants ayant participé à la mobilisation du 24 mai devant le siège d’Amundi.
Ces faits ont également fait l’objet d’une saisine de la Défenseure des droits, et plusieurs militant·es ont déposé un signalement auprès de l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN).
Dans un contexte d’instabilité politique et de percée inédite de l’extrême droite, dont l’arrivée au pouvoir menacerait d’autant plus nos libertés, les organisations dénoncent une dérive autoritaire du gouvernement. Elles rappellent que la désobéissance civile pacifique est un droit protégé au titre du droit international des droits humains et que la répression par l’État « constitue une menace majeure pour la démocratie » selon Michel Forst, qui a également déclaré récemment que « la France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux ».
Hier soir, à 21h, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale pour redonner la parole au peuple après l’échec cinglant de sa liste aux élections européennes.
Le président a installé une petite mélodie, assez séduisante : cette dissolution est bonne et démocratique, parce qu’il redonne sa parole au peuple. Les questions de calendrier, de débat, de listes, de stratégies sont toutes effacées par ce blanc-seing que donnerait la consultation populaire.
Mais, cette dissolution surprise de notre président est-elle vraiment ce pansement miraculeux sur les vieilles et douloureuses blessures de notre démocratie, ou n’est-elle, encore qu’un tour de passe-passe politique, voire un piège ?
C’est ce que nous allons voir dans ce nouveau décryptage pour Blast.
Le 23 mai dernier, le Conseil d’État a rejeté le recours en urgence de La Quadrature du Net contre la mesure de blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie. Pour justifier cette décision inique, le juge des référés a affirmé qu’il n’y aurait pas d’urgence à statuer puisque ce blocage serait, selon les dires du gouvernement, bientôt levé. Il aura fallu attendre plus de 24 heures après la levée de l’état d’urgence pour que le réseau social soit de nouveau accessible. Cet épisode marquera un tournant dans la montée autoritaire en France et dans l’échec de nos institutions à l’empêcher.
Depuis de nombreuses années, nous constatons l’effondrement progressif de l’État de droit en France. Nous constatons que la politique toujours plus autoritaire des gouvernements successifs, et notamment ceux d’Emmanuel Macron, ne se voit opposer aucun obstacle institutionnel majeur. Avec le blocage arbitraire de TikTok, une nouvelle étape a été franchie.
Depuis 2022, Michel Forst est rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations unies. Depuis ce poste, il observe et protège les militants écologistes face à une répression grandissante.
En 2022, face aux menaces pesant sur les militants écologistes, les Nations unies ont créé le poste de rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement. Ancien directeur d’Amnesty International France, Michel Forst a hérité de ce mandat inédit. Son objectif : les protéger contre toute forme de harcèlement, persécution ou pénalisation.
Dans cet entretien à Reporterre, il assure que la répression législative, policière et judiciaire de la désobéissance civile environnementale constitue une menace majeure pour la démocratie et les droits humains. Michel Forst note par ailleurs que « la France est le pire pays d’Europe » concernant le maintien de l’ordre.
L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont reconnu l’État palestinien. La France ne le fera pas. Du moins pas sous la Présidence Macron, qui a déclaré mardi 28 mai 2024 : « Je ne ferai pas une reconnaissance d’émotion. » La formule est, hélas, emblématique du renoncement total et dangereux de l’exécutif au droit international.
Propagande génocidaire, sur tous vos écrans, tous les jours, depuis 8 mois. Les bombes israéliennes envoyées sur des tentes de réfugiés palestiniens hier à Rafah sont à peine évoquées ce lundi. Les millions de français.e.s qui se contentent de la télévision comme canal d’information vivent dans une bulle informationnelle parallèle, post-vérité, et sont profondément intoxiqués.
Où va la France ? Des chercheurs, des étudiants, des militants, des élèves, des syndicalistes et des politiques ont été sanctionnés, certains convoqués, d’autres condamnés pour « apologie du terrorisme »… Des manifestations ont été interdites, des conférences annulées, des films déprogrammés. L’État, la justice et certains corps multiplient les procédures qui - depuis plus de 6 mois, sur fond de guerre et de massacres à Gaza, laissent à voir une forme de criminalisation des expressions de solidarité envers la Palestine. Avec le dévoiement de la notion d’apologie du terrorisme se profile le dévoiement des droits humains les plus fondamentaux comme ceux de la libre expression, de la libre manifestation et de libre association. Le rapport annuel d’Amnesty international qui vient de paraitre dresse précisément un rapport accablant des droits humains en France. Il alerte sur une situation dégradée. Ce rapport, s’il est « un signal d’alarme pour rappeler aux États qu'ils sont responsables de la situation des droits humains dans leur pays est aussi un moyen de rendre hommage au travail des journalistes, des militants et militantes et des défenseur.es des droits humains qui luttent courageusement pour un monde plus juste et plus égalitaire. » C’est en ce sens aussi que nous avons décidé aujourd’hui de donner, dans ce contexte particulièrement inquiétant, la parole à des infatigables avocats, défenseurs des libertés publiques et des droits : Raphaël Kempf, Elsa Marcel et Vincent Brengarth.
Lors d'une signature de convention entre l'Etat et Renault pour la mise à disposition des salariés comme réservistes, le ministre des Armées a appelé les entreprises à faciliter l'intégration de leurs salariés à la réserve de l'armée.
Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, s’est rendu dans les Yvelines ce mercredi pour signer une convention pour faciliter la mise à disposition de salariés en tant que réservistes de l’armée. Le ministre espère convaincre les entreprises de mettre en œuvre des modalités pour libérer quelques jours par an à leurs salariés qui voudraient rejoindre la réserve opérationnelle.
La France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza. Révélations de Disclose et Marsactu sur une cargaison expédiée en secret depuis Marseille, et en totale contradiction avec les engagements du gouvernement.
La manifestation à Sainte-Soline contre les mégabassines, il y a un an, a été un tournant. Elle incarne un changement d’échelle dans les luttes et a contribué à souder le camp écologiste. Quelles leçons politiques en tirer ?
Avec l'annulation de 10 milliards d'euros prévus dans le budget de l'Etat 2024, c'est près de 700 millions d'euros qui disparaissent du budget de l'Education nationale. Le message est clair : le tri social ne suffit pas, il faudra, en même temps, faire des économies, avec de nouvelles suppressions de postes en perspective.