Les “transfuges de classe” sont des personnes qui ont changé de classe sociale au cours de leur vie, le plus souvent entre leur enfance et leur âge adulte. Cela produit en eux des sentiments parfois brutaux, puisque ce déplacement social fait connaître la honte, la culpabilité et met à jour certains mécanismes de reproduction sociale, telle que la violence du système éducatif et le snobisme culturel et social des milieux privilégiés. Le récit de cette traversée entre deux mondes sociaux est devenu un thème littéraire à succès, en particulier depuis les années 2010. Des écrivain.e.s comme Annie Ernaux (prix Nobel de littérature en 2022), Edouard Louis et, dans une certaine mesure, Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018), mais aussi des journalistes, des chercheurs et des politiques ont publié des livres qui racontent cette transition de classe. Le thème du transfuge est parfois mobilisé dans des interviews de célébrités, qui n’hésitent pas à mettre en scène, en exagérant souvent leur ampleur, un parcours social mouvementé. Les chercheuses Laélia Véron et Karine Abiven publient ce mois-ci un essai sur le sujet, qui s’intitule Trahir et venger : paradoxes des récits de transfuges de classe. C’est un livre à la fois très documenté et très clair, qui permet d’éclairer cette question : finalement, à quoi servent ces récits de “transfuge de classe” ? Ont-ils le potentiel politique “émancipateur” que ses partisans, notamment à gauche, lui prêtent ?
Le 8 décembre 2020, une opération antiterroriste visait 9 militant·es politiques français·es. Les quelques éléments de langage et de procédure distillés dans la presse par la police laissent alors songeur. Une association de Paint Ball, un artificier qui travaille à Disneyland et quelques discussions de fin de soirée où l’on dit tout le mal que l’on pense de la police nationale captées par des micros cachés par la DGSI. À partir du 3 octobre, sept personnes seront jugées à Paris, soupçonnées de participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Afin de mieux saisir les enjeux comme le fond de cette affaire, nous avons reçu cette analyse détaillée et politique du dossier d’instruction.