Dans cet épisode exceptionnel de L’Œil de Moumou, Aymeric Caron revient sur ce qu’il décrit comme « l’un des plus grands scandales moraux et médiatiques de notre époque » : le traitement de la guerre à Gaza. L’ancien journaliste, devenu député, parle sans détour du rôle des médias français, de leur silence et de leurs compromissions.
« On a laissé faire un génocide, affirme-t-il d’une voix calme mais ferme. Et les médias français, au lieu de dénoncer, ont préféré détourner le regard. Ce silence-là, c’est une trahison. »
Caron, qui fut longtemps chroniqueur dans des émissions à forte audience, ne cache pas son désarroi face à ce qu’il appelle « la dérive du journalisme spectacle ». Il cite nommément certaines chaînes : « CNews viole la loi chaque jour, en diffusant des discours de haine ou de désinformation. Et pourtant, l’Arcom ne fait rien. On laisse prospérer une parole qui déshumanise. »
Pour l’auteur de Antispéciste, la question dépasse Gaza : elle touche à la responsabilité morale de ceux qui informent. « Être journaliste, ce n’est pas faire de la com’ pour le pouvoir ou l’armée, c’est mettre la lumière sur ce qu’on veut cacher. »
Interrogé par Mourad Guichard sur la réaction du monde politique, Caron se montre tout aussi sévère : « Quand le président de la République parle d’un “droit d’Israël à se défendre”, sans jamais prononcer le mot Palestinien, il envoie un message terrible. Ce discours a justifié l’injustifiable. »
Mais derrière la colère, transparaît une forme de désillusion. « Je ne me remettrai jamais de Gaza », confie-t-il. « Ce que j’ai vu, ce que j’ai lu, ce silence assourdissant… Tout cela m’a profondément bouleversé. »
Pour lui, l’enjeu n’est pas seulement politique, mais humain. « Les images de Gaza, on aurait dû les montrer en boucle, parce qu’elles nous obligent à regarder en face notre propre responsabilité. À force d’ignorer la souffrance des autres, on finit par perdre notre humanité. »
Dans cette discussion intense, Moumou lui demande s’il garde espoir. Caron hésite, puis répond : « Tant qu’il y aura des gens qui refusent le mensonge, qui cherchent la vérité, oui, il reste de l’espoir. Mais il faudra du courage. Parce qu’aujourd’hui, dire la vérité, c’est devenu un acte de résistance. »
L'Association internationale des chercheurs du génocide, le principal organe sur le sujet qui regroupe ses plus grands spécialistes, a adopté lundi 1er septembre une résolution affirmant que les actions d’Israël à Gaza ont rempli tous les critères juridiques permettant de déterminer un génocide. L’État hébreu a réagi en qualifiant de honteuse la déclaration de l’association, qui a pris comme critères ceux utilisés pour juger la Shoah.
Il ne s’agit pas de pro-Palestine contre pro-Israël. C’est l’humanité contre les monstres. Et je vais vous dire exactement pourquoi.
J’ai vécu presque toute ma vie en Israël et, ces deux dernières années, à quelques mois près, j’ai passé la majeure partie de mon temps éveillé à vivre et à respirer la résistance, parmi et aux côtés de personnes qui partagent une opposition totale à la criminalité d’Israël (et, de plus en plus, comme il est devenu évident que l’action et l’acteur sont indissociables dans ce cas précis, une opposition à l’existence même d’Israël).
À Gaza, les bombes ont fait leur œuvre de destruction quand les mots, souvent distordus, sanctifiés, réécrits, ont préparé le terrain. Les médias occidentaux, en relayant sans recul le récit israélien, ont érigé un décor de guerre qui a sacrifié la voix des Palestiniens, là où l’information aurait dû dire la vérité et non la fabriquer.
Après le départ de deux vagues de navires, de Barcelone et de Gênes, les flottilles pour Gaza doivent se rejoindre au large de la Tunisie avant de faire route pour Gaza afin de briser le blocus de la bande. Suivez sur ce direct l'avancée de la flottille.
⚡ La Global Sumud Flotilla rassemble la Freedom Flotilla, la Sumud Flotilla du Maghreb, le convoi Sumud Nusantara et le Mouvement mondial pour Gaza. Des dizaines de bateaux, des centaines de membres d’équipage venus de 44 pays : une initiative inédite pour briser le blocus de Gaza et acheminer de l’aide humanitaire. Les bateaux partis de Barcelone ont été rejoints par ceux de Tunisie et d’autres ports le 4 septembre.
⛵ Militants, syndicalistes, défenseurs des droits humains, artistes… transportent nourriture, médicaments et même des dessins d’enfants, dans une action non violente contre le génocide mené par Israël avec la complicité des puissances impérialistes. Bruno Gilga, militant de MRT (organisation-sœur de RP au Brésil) et porte-parole de la délégation brésilienne, est à bord et documente la mission.
⚡À Gaza, la situation est plus terrifiante que jamais. Alors que le cabinet de sécurité a annoncé son intention d’occuper la totalité de la bande, ravagée par la famine, l’administration Trump concrétise à grand-pas son plan de déportation des Gazaouis et de reconstruction des territoires palestiniens pour les transformer en hub commercial et technologique au service des capitalistes étasuniens et des bourgeoisies arabes, complices du génocide.
🚨 Avec l’équipe de Révolution Permanente et le réseau international Izquierda Diario, nous suivrons la situation heure par heure. Restez connectés et partagez le live autour de vous !
Plus tôt ce mois-ci, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a publiquement soutenu le projet de « Grand Israël » lorsqu’il a déclaré à i24 News qu’il était engagé dans une « mission historique et spirituelle » de conquête territoriale.
Cette vision maximaliste est édifiée sur le Grand Israël déjà existant et son contrôle colonial sur Jérusalem-Est, le plateau du Golan, la Cisjordanie et, désormais, à nouveau, Gaza – où le gouvernement espère se réinstaller prochainement. Elle prévoit d’étendre la colonisation juive à l’ensemble de la Palestine historique, autrefois prétendument le foyer exclusif des anciens hébreux et promise par le Dieu juif au « peuple élu », ainsi qu’à certaines parties des pays arabes voisins, dont la Jordanie, l’Égypte, la Syrie et le Liban. Le soutien à cette idéologie a explosé dans le contexte du génocide israélien en cours à Gaza, avec la circulation en ligne d’images de soldats affichant une carte de ce nouveau Grand Israël brodée sur leurs uniformes.
À la fin du mois de novembre 2023, les autorités israéliennes indiquaient que, dans les 35 premiers jours du conflit à Gaza, elles avaient frappé plus de 15 000 cibles – soit trois fois plus qu’au cours des 51 jours qu’avait duré l’opération "Bordure protectrice", en 2014. Quelques jours plus tard, le magazine d’investigation israélien +972 dévoilait une enquête révélant les raisons de ce rythme effréné : un programme informatique dopé à l’intelligence artificielle (IA) surnommé Habsora – l’Évangile en français – et fonctionnant comme une "usine à cible", 24 heures sur 24. D’après l’article, ce système capable de traiter des masses de données très hétérogènes et issues de différentes branches du renseignement serait utilisé par Tsahal pour identifier les cibles potentielles de la campagne de bombardements, mais aussi pour estimer à l’avance le nombre de victimes civiles.
Dans une enquête parue le 27 juin, le quotidien d’opposition à Benyamin Nétanyahou rassemble les témoignages de soldats de Tsahal qui assurent qu’on leur demande d’ouvrir le feu sur les Gazaouis rassemblés lors des distributions de nourriture. Des accusations rejetées par le gouvernement israélien et la controversée Fondation humanitaire de Gaza (GHF).
Un collectif de 15 organisations de défense des droits humains et juridiques [voir ci-contre les logos] a appelé à la suspension des opérations d’aide de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), avertissant que cette initiative, soutenue par Israël et les Etats-Unis, pourrait être complice de crimes internationaux.
L'ahurissant retournement de veste qui s'opère sous nos yeux, et l'autoblanchiment collectif à sa suite, resteront comme un cas d'école dans l'histoire de la propagande. Un retournement venu de la région la plus hypocrite du bloc propagandiste : les « humanistes ». Et voici néanmoins l'os mis à nu : la question du sionisme, l'axiome qu'il fallait préserver à tout prix, que ce soit par la silenciation, ou bien par la contrition.
Jean-Pierre Filiu a passé un mois à Gaza. Il publie « Un historien à Gaza », un récit qui mêle son témoignage, les voix des habitantes et habitants de Gaza et l’analyse de la guerre menée par Israël dans l’enclave.
Historien spécialiste du Proche-Orient, Jean-Pierre Filiu a passé plus d’un mois dans la bande de Gaza, fermée aux médias étrangers.
Gaza où Israël mène une guerre génocidaire, une « guerre à sens unique », écrit-il, officiellement contre le Hamas, en fait contre l’enclave et sa population, doublée d’un nettoyage ethnique assumé.
« Rien ne me préparait à ce que j’ai vu et vécu à Gaza, écrit-il. Le territoire que j’ai connu et arpenté n’existe plus. Ce qu’il en reste défie les mots. » Il avance le chiffre de « plus de 100 000 morts » depuis le 7 octobre 2023 dans l’enclave palestinienne et considère que l’anéantissement en cours « est bien pire que la Nakba », l’expulsion forcée de centaines de milliers de Palestinien·nes en 1948 au moment de la proclamation de l’État d’Israël.
Ce livre glaçant sonne aussi comme une alerte : la destruction sous nos yeux de Gaza, l’élimination en cours de la Palestine et de ses habitant·es, c’est aussi celle du droit international, la destruction de notre humanité. Le triomphe des artisans de haine, des vautours et des ignobles.
Cher Jean Quatremer,
Quelle semaine !
Mardi 20 mai, vous relayiez sur votre compte X un « article » sobrement titré « Nakba : la plus grande mystification arabe du XXe siècle », autrement dit une publication qualifiant d’imposture ce qui fait pourtant, depuis plusieurs dizaines d’années, largement consensus parmi les historiens sérieux, y compris en Israël (1), à savoir que le peuple palestinien a subi en 1947-1949 un processus d’expulsion de masse aujourd’hui connu sous le nom de « Nakba » (« Catastrophe »), félicitations à vous. Il faut dire que la fiabilité et la rigueur de l’auteur de ladite publication ne font guère de doute, lui qui, la semaine dernière, expliquait « [qu’]il faut annexer chaque parcelle [de Cisjordanie] qui a été foulée par un terroriste », s’amusait d’un ordre d’évacuation de l’armée israélienne à Gaza en le commentant d’un « Courez, ça vaut mieux », et se réjouissait de livraisons militaires étatsuniennes en Israël en affirmant que « ça fait du bien de faire le plein, on va en avoir besoin », une bien belle personne en somme.
[ATTENTION : certaines images violentes peuvent choquer]
« Je le dis en tant que survivant de l'Holocauste : le génocide à Gaza n'est pas commis en mon nom. La manière dont le gouvernement israélien utilise la mémoire de l’Holocauste pour justifier ce qu’il fait aux Gazaouis est une profonde insulte à la mémoire de l’Holocauste.
Je vois aujourd’hui des échos de l’Holocauste à Gaza. La déshumanisation, l’humiliation, les massacres à grande échelle, la destruction de familles et la détermination avec laquelle ils détruisent l’ensemble de Gaza ressemblent beaucoup à la cruauté des régimes fascistes et cela ne devrait pas prêter à controverse.
Ce qui est arrivé au peuple juif, l’extermination industrielle et la douleur émotionnelle invisible, est si horrible que cela ne devrait jamais se reproduire nulle part dans le monde. C'est pourquoi nous disons : pas en notre nom et plus jamais.
Le fascisme se nourrit de l’indifférence et du fait que le grand public est intimidé ou détourne le regard par instinct de conservation. Ne détournez pas le regard. Soyez courageux et du bon côté de l’histoire. »
77 ans plus tard, l'État israélien mène une seconde Nakba et veut anéantir Gaza et sa population.
Le mot «Nakba» veut dire catastrophe en arabe. Cette expression évoque le souvenir douloureux des massacres et des déplacements forcés de population commis en 1948 par l’armée israélienne. Un crime qui constitue l’acte de naissance de l’État israélien.