Depuis la seconde investiture de Donald Trump, de nombreux observateurs et commentateurs politiques n’hésitent pas à présenter le président américain comme une sorte de fou erratique, capricieux et un peu timbré. Ses déclarations et ses mesures politiques, n’obéiraient à aucune logique, si ce n’est à la brutalité coutumière d’un entrepreneur de l’immobilier pas très malin qui se serait retrouvé par mégarde aux commandes de la première puissance mondiale. Le texte qui suit défend l’hypothèse inverse, une hypothèse que l’auteur lui-même qualifie de « complotiste » mais qu’il étaye avec brio. La démonstration est convaincante : en se plongeant dans les relations et influences « intellectuelles » de Trump et de ses proches, on découvre l’importance de la pensée de Curtis Yarvin et ses théories néo-fascistes qui visent à remodeler la société américaine et le monde en suspendant tous les contre-pouvoirs constitutionnels. On s’aperçoit alors que derrière la confusion et le masque de l’absurdité, il pourrait y avoir un plan et une stratégie. Ce coup néo-réactionnaire qui se présente ouvertement comme une « contre-révolution », Daniel Grave l’interprète comme un retour de bâton après 15 ans de mouvements sociaux et de rue, d’Occupy Wall Street au soulèvement George Floyd en passant par MeToo, la menace fasciste comme boss de fin de niveau. De là, il s’agit d’être à la hauteur de ce que cela signifie, d’identifier ses points faibles et de l’affronter. C’est un texte important.
Dans la vision coloniale du monde – et, à sa manière bizarre, la vision de Donald Trump ne pourrait pas être plus coloniale – les colonisateurs européens blancs étaient des phares en difficulté de la civilisation, de la rationalité et du progrès, car confrontés à de dangereuses hordes barbares par-delà (et même, parfois, à l’intérieur) de leurs propres frontières. La violence coloniale était alors une forme indispensable d’autodéfense pour apprivoiser les explosions irrationnelles de brutalité chez les colonisé·e·s. Pour comprendre la dévotion bipartite des Etats-Unis [démocrates et républicains] envers Israël, y compris la glorification de la violence israélienne et la diabolisation des Palestiniens, ainsi que les récentes attaques de l’administration Trump contre l’Afrique du Sud noire, les étudiants activistes et les immigrants, il est essentiel de saisir cette vision du monde.
Le président de États-Unis signe des décrets à tout-va, dit tout haut ce qu’il pense sans le moindre filtre. Et on rit, et on tremble de peur. Liste non-exhaustive…
L’historienne Joan W. Scott est professeure émérite à l’Institute for Advanced Study de Princeton, New Jersey. Mondialement célèbre pour avoir introduit l’idée d’une perspective de genre en histoire, autrice de travaux importants sur les usages politiques de la laïcité en France, elle est également une spécialiste reconnue de la question des libertés académiques, un dossier qu’elle suit depuis plusieurs décennies. Elle est notamment membre du “Comité A” de l’Association of American University Professors (AAUP), dédié à la question de la titularisation (“tenure”) et des libertés académiques.
Trump a décrété que le golfe du Mexique serait désormais nommé « golfe de l’Amérique ». Une décision solitaire qui signe « un changement de paradigme ostensible et très inquiétant » pour l’historienne Nepthys Zwer.
Dès le jour de son investiture comme président des États-Unis, le 20 janvier, Donald Trump a signé un décret visant à renommer le golfe du Mexique en « golfe de l’Amérique ». Le mont Denali, plus haut sommet étasunien nommé ainsi par la population autochtone des Athabaskans, en Alaska, a été dans le même décret rebaptisé en « mont McKinley », nom qu’il avait déjà porté de 1896 à 2015, en hommage au 25ᵉ président des États-Unis.
Pour Reporterre, l’historienne Nepthys Zwer explique le sens de tels symboles géographiques, et l’importance du pouvoir de dessiner les cartes dans l’histoire coloniale et anti-écologique de l’Occident. Elle est notamment l’autrice de Pour un spatio-féminisme. De l’espace à la carte (La Découverte, 2024) et co-autrice de Cartographie radicale (La Découverte, 2022).
Suite à l'élection de Donald Trump, Elon Musk a pris les rênes de son fameux service de « l’efficacité gouvernementale » nommé DOGE. Le milliardaire utilise ce statut pour mettre la main sur les systèmes informatiques de différentes agences, comme celui des ressources humaines des employés fédéraux américains. Le nouveau gouvernement a continué la purge des sites internet des agences gouvernementales. Des données sur le VIH sont supprimées et une agence de santé a demandé à des chercheurs de rétracter certains articles scientifiques.
En 45 ans, notre rapport à l’information a explosé. La fibre, les réseaux, les puces, les écrans amènent des stimuli à nos cerveaux, sans que nous puissions tout maitriser. Dans cet édito renversant, Denis Robert, à partir d’exemples mêlant géopolitique et affaires plus locales ou anciennes, explique comment le pouvoir se joue et des guerres se gagnent ou se perdent sur les champs de batailles, mais aussi et surtout dans le cyberespace. Le but et de contrôler et d’exercer une influence sur l’information en inventant un monde parallèle.
Donald Trump sera peut-être empêché par la justice de se présenter à la présidentielle américaine cette année, mais c’est pas grave : visiblement, il est déjà candidat à celle de 2027 en France. Lundi, Laurent Wauquiez présentait à des chefs d’entreprise le programme de ses «100 jours» à l’Elysée (encore faut-il qu’il soit élu), rapporte l’Opinion. Et le président d’Auvergne-Rhône-Alpes a littéralement tout pompé sur les discours de l’ancien président américain. Le quotidien raconte ainsi que la «priorité» de Wauquiez serait de «démanteler la «dictature administrative» et «l’Etat profond» pour mettre fin à «la folie des normes». Autres morceaux choisis : «Notre pays était une nation d’ingénieurs. C’est devenu une nation de juristes» ; l’administration «fait sécession» ; les assos sont «nourries à une pensée d’extrême gauche [et] financées sur fonds publics, et organisent le blocage, soit par des recours en justice, soit en faisant pression de l’intérieur» ; les «cours suprêmes» (comme le Conseil constitutionnel) qui «ont pris le pouvoir» ; une volonté de «reprise en main [de] la machine» étatique, «avant même le travail sur le fond» (sans commentaire) ; les autorités administratives indépendantes (AAI) qu’il veut supprimer car «90 % ne sont pas nécessaires». Remettre en cause l’état de droit et la légitimité de l’administration, pas banal pour cet ancien ministre et major de l’ENA en 2001. Dommage qu’il ne soit pas né aux États-Unis : il y ferait fureur, bien loin des sondages qui, chez nous et pour l’heure, lui promettent un score inférieur à celui de Valérie Pécresse en 2022.