En mai dernier, le gouvernement a lancé un groupe de travail visant à légaliser la reconnaissance faciale en temps réel. Loin d’être une surprise, cette annonce s’inscrit dans une suite de propositions émises par les plus hautes instances de l’État, en lien avec des acteurs industriels et scientifiques. Nous publions cette tribune de Félix Tréguer, adaptée d’un texte publié initialement sur AOC, qui estime que la reconnaissance faciale est incompatible avec les formes de vie démocratique.
Le nazisme fait l'objet d'une fascination morbide mais il est en réalité largement méconnu. En particulier, on ignore bien souvent - et les idées les plus fausses circulent sur - la manière dont les nazis sont parvenus au pouvoir. Qu'on prétende qu'ils auraient gagné les élections, pris le pouvoir par la force ou par la faute de la gauche (notamment communiste), on méconnaît le fait que Hitler ne serait jamais devenu chancelier le 30 janvier 1933 sans le soutien d'une bonne partie des élites allemandes (économiques, militaires, politiques, médiatiques). C'est cette histoire que restitue l'historien Johann Chapoutot dans son dernier livre "Les irresponsables", paru aux éditions Gallimard au début de l'année 2025. Dans cet épisode, qui reprend sous forme podcast une interview vidéo réalisée pour le site Hors-Série, je l'invite notamment à revenir sur la manière dont certains individus, représentant des forces sociales et politiques identifiables et ancrées dans les classes dominantes, ont travaillé ardemment d'abord à nouer une alliance avec les nazis puis à les installer au pouvoir, avec toutes les conséquences que l'on sait. Nous abordons d'autres points de l'ouvrage et concluons sur la manière dont nous pouvons apprendre de cette histoire, à l'heure où progressent et parviennent au pouvoir des mouvements néofascistes.
Janvier 1933 : l’accession des nazis au pouvoir fut-elle une fatalité ? En retraçant l’étiologie de l’effondrement de Weimar, Johann Chapoutot invite à dépasser des poncifs trop longtemps enseignés et à scruter notre présent avec des comparaisons rigoureuses, afin d’éviter l’anachronisme tout en éclairant les fragilités démocratiques révélées par cette expérience historique.
L'idéologie dominante de l'extrême droite est devenue un survivalisme monstrueux, destructeur et suprématiste, expliquent Naomi Klein et Astra Taylor dans un article récent devenu incontournable, dont Terrestres publie la traduction en français. Elles appellent à construire un mouvement suffisamment fort pour l'arrêter.
On ne peut comprendre l’escalade militaro-fasciste en cours au Moyen-Orient si l’on ne connaît pas l’idéologie du gouvernement israélien. Une idéologie obscurantiste, messianique, ultra-violente, très différente de ce que nous connaissons dans l’Europe contemporaine, mais partagée par la majorité de la population israélienne.
La dissolution de la Jeune Garde est une attaque de plus contre le mouvement social, un cadeau de plus pour l'extrême droite.
Ces dernières semaines, un fidèle musulman a été assassiné de 57 coups de couteau dans une mosquée du Gard. Un quarantenaire tunisien a été assassiné par son voisin raciste dans le Var : ce fan de Marine Le Pen, armé jusqu’aux dents, avait menacé son voisin Hichem avant de le tuer. À Alès, un bar fréquenté par des militants de gauche a été pris d’assaut par un commando néo-nazi qui a blessé 20 personnes. À Paris, la projection d’un film par un collectif internationaliste a été attaqué par un groupe d’extrême droite qui a poignardé un syndicaliste. Dans toute la France, des bars militants et lieux de culte musulmans sont vandalisés…
Non seulement cette flambée de violences fascistes n’est pas dénoncée par le gouvernement, mais elle est encouragée dans les mots et dans les actes. Pire, ce même gouvernement travaille activement à détruire ce qu’il reste de résistance à l’extrême droite.
Pour ce nouvel épisode de "Minuit dans le siècle", j'ai invité l'historienne Ludivine Bantigny. Avec elle, nous abordons l'histoire longue de l'extrême droite française, en revenant sur plusieurs épisodes incontournables de sa trajectoire. Tout d'abord ses origines dans la Réaction à la Révolution française, qui se manifeste en particulier en 1815 au moment de la Restauration. Puis les transformations de cette extrême droite à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, du moment boulangiste à l'affaire Dreyfus, avec le rôle central que joue alors l'antisémitisme. On discute également des années 1930, en particulier sous l'angle de la controverse entre historien-nes sur la prétendue "allergie française au fascisme". Un nouveau saut dans le temps nous amène jusqu'aux années 1980 et à la résurrection de l'extrême droite avec les premières poussées électorales du Front national. Enfin, on discute de la conjoncture politique présente, marquée par l'alliance de plus en plus ouverte entre une droite extrémisée et le FN/RN.
Dans une galaxie très très lointaine, une République subit, dans les épisodes 1, 2 et 3 de la célèbre saga Star Wars, des tentatives de déstabilisation répétées et commanditées par son propre chancelier, Palpatine, qui profite de l’ambiance guerrière qu’il a lui-même créé pour lever une armée de clones, faire voter des lois d’exception, réduire à néant le contre-pouvoir constitué par l’ordre des Jedi (ces guerriers bad’ass avec des sabres lasers) puis se faire élire empereur par un Sénat galactique complètement fanatisé. Les premiers épisodes des films Star Wars, qui sont sortis vingt ans après les épisodes 4, 5 et 6, mettent en scène des personnages qui échouent à prévenir cette tragédie. La trilogie suivante se déroule plusieurs décennies après la fin de la démocratie et oppose la rébellion à l’Empire. En 2016, le film Rogue One met en scène un petit groupe de révolutionnaires qui effectue une mission essentielle pour la réussite future de la rébellion. A sa tête, un rebelle du nom de Cassian Andor, brillamment incarné par l’acteur Diego Luna. Le film est un succès critique et populaire et devient le deuxième plus gros succès de la franchise Star Wars. En 2022 est diffusée la première saison de la série Andor, qui a fait le choix de se concentrer sur ce héros populaire et ses camarades, et ainsi de raconter les naissances de l’Alliance rebelle, l’entité qui s’oppose (victorieusement) à l’Empire dans les épisodes 4, 5 et 6 et parvient à restaurer la République.
[ATTENTION : certaines images violentes peuvent choquer]
« Je le dis en tant que survivant de l'Holocauste : le génocide à Gaza n'est pas commis en mon nom. La manière dont le gouvernement israélien utilise la mémoire de l’Holocauste pour justifier ce qu’il fait aux Gazaouis est une profonde insulte à la mémoire de l’Holocauste.
Je vois aujourd’hui des échos de l’Holocauste à Gaza. La déshumanisation, l’humiliation, les massacres à grande échelle, la destruction de familles et la détermination avec laquelle ils détruisent l’ensemble de Gaza ressemblent beaucoup à la cruauté des régimes fascistes et cela ne devrait pas prêter à controverse.
Ce qui est arrivé au peuple juif, l’extermination industrielle et la douleur émotionnelle invisible, est si horrible que cela ne devrait jamais se reproduire nulle part dans le monde. C'est pourquoi nous disons : pas en notre nom et plus jamais.
Le fascisme se nourrit de l’indifférence et du fait que le grand public est intimidé ou détourne le regard par instinct de conservation. Ne détournez pas le regard. Soyez courageux et du bon côté de l’histoire. »
La richesse en haut et la mort en bas : au cours de l’histoire récente, cet arrangement s’est avéré remarquablement tolérable. Bien sûr, tout le monde est conscient que de plus en plus de gens s’appauvrissent et sont mis au rebut et que chaque jour la planète est davantage détruite. Mais pour les mieux lotis, le pire est maintenu à une distance très confortable, et la vie conserve plus ou moins son rythme. Les gardiens et les femmes de ménage passent comme prévu pour patrouiller et nettoyer, les portefeuilles d’investissement s’animent et s’éteignent à mesure que les marchés mondiaux s’ouvrent et se ferment, et les colis d’Amazon arrivent miraculeusement sur le pas de la porte en quelques heures seulement. La misère, la souffrance et la mort font leur apparition, et il y a même parfois ce sentiment persistant que cette vie ne reste possible qu’en raison de la manière dont ces vies continuent d’être dépréciées et parfois éliminées, mais tout cela semble rester assez lointain et détaché. Une lueur, toujours de l’autre côté de l’écran.
Dans Une étrange victoire. L’extrême droite contre la politique (Seuil, 2024), écrit avec le sociologue Étienne Ollion, Michaël Fœssel décrit la progression des idées réactionnaires et nationalistes dans les esprits et le débat public, tout en soulignant la singularité de l’extrême droite actuelle, qui se pare des habits du progressisme.
On aurait préféré que ce soit un poisson d’avril : dans une décision rendue ce 1er avril 2025, le Conseil d’État a validé le principe de la censure arbitraire et opaque d’un réseau social. Derrière l’apparente annulation de la décision du Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, de bloquer Tiktok, la plus haute juridiction française offre en réalité le mode d’emploi de la « bonne censure ». Cette décision est inquiétante, tant cette affaire aura montré l’inefficacité du Conseil d’État à être un rempart efficace contre le fascisme montant.
Entre le 16 et le 26 février, pas moins de cinq attaques ont été menées par des activistes néofascistes : quatre agressions physiques - dont deux auraient pu être mortelles - et un incendie criminel contre une mosquée. Dans l'indifférence quasi générale des médias et du pouvoir, dont la réaction a été plus que discrète. Blast revient sur ces dix jours où l'extrême droite n'a jamais semblé aussi sûre d'elle-même et de son impunité.
Lorsque des néonazis poignardent un militant antifasciste, le ministre de l’Intérieur réussit donc l’exploit, d’incriminer ce qu’il appelle « l’ultragauche » - et cela rappelle bien sûr un précédent : lors de son premier mandat, après l’assassinat d’une jeune militante antifasciste américaine à Charlottesville par un néonazi en 2017, Donald Trump avait de la même manière renvoyé dos-à-dos les fascistes et antifascistes, en condamnant des violences venant, je cite, « de plusieurs côtés»
Il devrait commencer à être assez clair, quand des milices défilent dans Paris au cri de « Paris est nazi », et poignardent des militants de gauche, que ce vers quoi nous nous dirigeons mérite d'être appelé « fascisme ». C'est clair, et en même temps pas encore si clair. Tant qu'un concept n'en aura pas été proposé, le fascisme restera une évocation historique intransposable.
Le plus souvent, lorsque nous tentons de déchiffrer la fascisation en cours, nous convoquons le passé : qu’est-ce que le fascisme ? Qu’était le fascisme ? Quels sont les signes que nous décelons dans le présent qui pourraient nous permettre de prévoir une re-dite historique ? Si ce travail est aussi précieux que nécessaire, il peut néanmoins charrier son lot de biais et d’impensés. Le grand mérite du ticket Trump/Musk est de nous obliger à penser le fascisme depuis le futur, c’est-à-dire depuis ce que les évolutions socio-techniques permettent d’innovations et d’hybridations politiques comme subjectives du point de vue de la domination. Pour le dire plus simplement, se battre contre le présent implique d’examiner le passé tout en se donnant les moyens d’anticiper l’avenir. Ces quelques postulats quant à la guerre perpétuelle de Frédéric Neyrat, tentent précisément cela et se liront comme une continuation par d’autres moyens de l’article de Norman Ajari dans nos pages la semaine dernière.